Kai-Fu Lee, IA la plus grande mutation de l'histoire (2019)
- AI for Citizen
- 27 janv. 2020
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 10 avr. 2020

Mars 2016. Fin de partie pour le champion du monde de Go Lee Sedol. Battu 4 à 1 par AlphaGo, l’Intelligence Artificielle développée par Google DeepMind. Un tournant.
Pour Kai-Fu Lee, l’un des meilleurs spécialistes de l’intelligence artificielle au monde, c’est là ce qui constitue pour la Chine son « moment Spoutnik ». Un électrochoc qui a fait prendre conscience à tout un pays et à ses dirigeants de leur retard par rapport aux Etats-Unis. Un peu comme en 1957 où les Américains eux-mêmes, piqués dans leur orgueil par la mise en orbite du premier satellite par les Soviétiques, avaient mis les bouchées doubles dans la course à l’espace. Objectif Lune.
Le pays de l’oncle Sam, Kai-Fu Lee le connaît bien. Né à Taïwan, il débarque dans le Tennesse à l’âge de 11 ans. Génie des maths, il mène le début de sa carrière chez Apple et y créé une première ébauche de Siri dès 1992. Il prend acte de l’avance que les Etats-Unis ont en matière d’intelligence artificielle, notamment sur le plan de la recherche et de l’innovation.
Mais désormais à la tête de l’un des premiers fonds d’investissement chinois en matière d’IA, Kai-Fu Lee parie sur un bouleversement des rapports de force. Pour lui l’âge d’or de la Silicon Valley est derrière. L’avenir appartient sans conteste à l’Empire du milieu. Ce qui fait la force de la Chine ? Sa capacité à nul autre pareil à collecter des données. Beaucoup de données. Celles du milliard cinq cent millions de Chinois. A quoi s’ajoute, des entrepreneurs survitaminés, se menant une concurrence impitoyable. Des « gladiateurs » des temps modernes, loin de l’ambiance très fair play de leurs homologues californiens. Que le meilleur gagne ! Le tout dans un environnement politique national et local très favorable à la croissance de l’IA. Kai-Fu Lee fait définitivement le pari que la Chine va remporter la victoire de l’IA – et surtout de ses applications concrètes – face aux Etats-Unis.
L’une des preuves manifestes du succès chinois : le boom du cashless permis par WeChat. En 2017, 18 800 milliards de dollars ont été échangées via l’internet mobile en Chine. C’est plus que le PIB du pays. Toutes les transactions, du stand du marché sur la place du village aux achats sur Alibaba, tout passe désormais par un service de paiement dématérialisé. A la clé, la collecte d’un nombre considérable de données pour nourrir des intelligences artificielles et donner au pays une longueur d’avance. Longueur d’avance que le pays compte bien maintenir aussi en matière de synthèse vocale, de reconnaissance d’image ou de drones où les premières entreprises mondiales sont déjà chinoises.
« Nous ne sommes pas faits pour les emplois routiniers. Nous sommes faits pour l’amour »
Mais pour Kai-Fu Lee cela ne fait aucun doute, la révolution de l’intelligence artificielle est aussi synonyme de crispation sociale, d’inégalité accrue, de crises inéluctables. Près de la moitié des emplois sont potentiellement touchés aux Etats-Unis. En premier lieu, les plus répétitifs, les plus routiniers ou ceux qui visent à optimiser des tâches. Centre d’appel, conducteurs de poids-lourd ou radiologistes se retrouveront progressivement remplacés par des machines. Au-delà de la perte d’emploi, qu’en sera-t-il de la perte de sens s’interroge l’investisseur ? D’autant que depuis l’ère industrielle, le travail est considéré pour beaucoup comme le moteur du sens de nos vies.
Kai-Fu Lee fait pourtant preuve là aussi d’un optimisme résolu. Convaincu que l’intelligence artificielle va nous ramener à ce qui fait vraiment de nous des êtres humains : résoudre des tâches complexes, faire preuve de créativité et, plus essentiel encore, éprouver des sentiments et de l’amour pour autrui.
Artistes, éditorialistes, scientifiques mais aussi enseignants, concierges, travailleurs sociaux, consultants ou soignants sont bien des métiers d’avenir. Un avenir où l’IA viendrait faire disparaître les tâches routinières et à faible valeur ajouté et où la manne financière ainsi générée permettrait de financer les nouvelles activités de création et de compassion.
Kai-Fu Lee, IA La Plus Grande Mutation de l'histoire, Les Arènes, 377 pages (2019)
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